OUVRAGE A5 BOIS DU FOUR
Ligne Maginot
Villers-la-Montagne
Secteur fortifié de la Crusnes
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Un nouveau joyau de notre patrimoine sauvé et exposé à l'ouvrage A5 Bois du Four.
A5 Bois du Four Ligne Maginot
Publié par Michaël Séramour dans Mémoire · 14 Septembre 2023
Tags: ActualitésnouveaujoyaupatrimoinesauvéexposéouvrageA5BoisduFourmourantebloc5ouvragedeRochonvillersressuscitée
Un nouveau joyau de notre patrimoine sauvé et exposé à l'ouvrage A5 Bois du Four pour les Journées du Patrimoine !
Elle était mourante dans le bloc 5 de l'ouvrage de Rochonvillers, elle est désormais ressuscitée à l'ouvrage A5 !
Elle, c'est l'une des plus belles peintures murales de la ligne Maginot, d'une sensibilité rare et d'une poésie désarmante. Réalisée par le canonnier et artiste Hubert Le Vey en 1940, cette oeuvre unique représente une "Jeune femme à la rose", contemplative face à la mer, entourée d'un cadre en trompe-l'oeil.
Encore assez bien conservée dans les années 2000, quoi que légèrement détériorée lors de la remise en peinture du bloc dans les années 1960 (la partie inférieure du cadre disparaissant au passage lors de ces travaux de réfection), l'oeuvre du canonnier Le Vey n'a pas résisté aux incendies déclenchés dans l'ouvrage de Rochonvillers par les ferrailleurs au milieu des années 2010. Inexorablement, elle disparaissait sous le salpêtre et les craquelures...
Il fallait faire quelques chose pour préserver ce témoignage exceptionnel de l'art pariétal de forteresse et nous ne pouvons que remercier avec vigueur et gratitude le colonel commandant la Base de Défense de Metz et son état-major, sans oublier les personnels du 40e RT, de nous avoir fait confiance pour mener à bien cette opération de sauvetage de la dernière chance.
Voici donc dans les grandes lignes, les menus détails de cette expéditions délicates !
Pour mener à bien ce projet, il nous a fallu ouvrir le mur en béton armé sur tout le pourtour de la fresque. Ce ne fut pas une mince affaire, la paroi mesurant 30 cm d'épaisseur, avec des rangées de ferrailles intérieures (10 mm de diamètre) tous les 15 cm et sur deux rangées. Pour cette phase, la peinture fut mise à l'abri derrière une bâche, une couverture et un contreplaqué.
Une fois le détourage réalisé au terme de 40 h d'effort, nous avons évalué la pièce de béton à poser au sol à environ 450 kg en tenant compte de l'armature métallique. Nous avons donc décidé de dégrossir la pièce sur place, par l'arrière, en réalisant des saignées propices à cet recherche d'allègement. Nous sommes ainsi parvenus à grignoter l'ensemble pour le ramener à 18 cm d'épaisseur. La découpe des fers à béton, le déblocage de la paroi découpée et la pose au sol purent ainsi être envisagées. Restait donc à franchir le couloir de l'étage inférieur, à remontant le bloc de béton à l'étage supérieur par le puits principal donnant sur la galerie souterraine 25 m plus bas. Nous avons eu
quelques sueurs froides mais cette étape s'est très bien déroulée.
Afin de faciliter le passage de la fresque par le créneau du lance-bombe de 135, nous avons encore dégrossi l'épaisseur du bloc pour arriver à 12 cm. Le passage juste pour juste du bloc de béton dans le cuirassement nous prit 3 bonnes heures, mais le passage de la fresque par-dessus le fossé diamant extérieur grâce à une tyrolienne fut en contrepartie un jeu d'enfant.
Bien entendu, le bloc 5 de Rochonvillers, objet de nos manipulations, a été nettoyé, la poussière balayée, et les blocs et copeaux de béton découpés évacués des couloirs et de la chambre de tir. Le trou béant dans le mur a été rebouché de part et d'autre de la cloison avec l'ajout d'une photographie plastifiée reproduisant la peinture.
Hubert Le Vey, auteur de cette oeuvre en 1940 ayant par ailleurs été mobilisé comme canonnier, nous avons choisi d'exposer la fresque dans la chambrée Est des artilleurs du Bois du Four, orientée de surcroît vers l'ouvrage de Rochonvillers. Pour ce faire, nous avons monté, contre la paroi initiale, un mur d'agglos pour y hisser la fresque, à la même hauteur que son emplacement d'origine. L'enduit réalisé, nous avons pu nous atteler à la restauration patiente de la “toile” du canonnier Le Vey.
Au décoffrage du contreplaqué, notre satisfaction fut de constater que l'oeuvre n'avait subi aucun outrage supplémentaire au moment de son extraction. Néanmoins son état de dégradation avancé, notamment suite aux incendies déclenchés par les ferrailleurs, a demandé plus de trente heures de soins cruciaux. Les trois
quarts du cadre en trompe-l'oeil ont notamment été repeints, en prenant pour modèle le montant droit, conservé sans aucune retouche. La peinture à l'huile fut nettoyée des champignons qui l'incrustaient et la peau de "La jeune femme à la rose" put ainsi retrouver de son éclat. Extrêmement dégradée, l'étoffe a été
sérieusement retouchée, à partir de clichés réalisés en 2005.
Epargnée par la Seconde Guerre mondiale, les occupations successives durant des décennies et les incendies déclenchés par les pilleurs de métaux dans l'ouvrage de Rochonvillers, gageons que "La jeune femme à la rose" survivent encore 80 années supplémentaires et plus encore sous le béton protecteur de l'ouvrage du Bois du Four, désormais gardien d'une partie de l'histoire de Rochonvillers, l'un des premiers ouvrages de la ligne Maginot a être sorti de terre à la fin des années 1920.
Pour en savoir plus sur l'oeuvre et la carrière de l'artiste lillois Hubert Le Vey, nous ne pouvons que vous conseiller la lecture de l'article de Michel Truttmann, "Les artistes-peintres de la ligne Maginot", paru dans le mensuel Histoire de Guerre n°4 d'avril 2000, et le tout dernier livre de notre vice-président Michaël Séramour, "Des Arcs-en-ciel sous l'uniforme : sur la trace des peintres et dessinateurs des forts de la Grande Guerre et de la ligne Maginot", paru aux éditions des Paraiges fin 2021 et disponible sur demande à l'ouvrage A5 Bois du Four avec dédicace.











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